Quel plaisir d’écrire de la poésie ! Essayer de faire rimer les mots, compter les syllabes, inventer un alexandrin (syllabes) avec une césure à l’hémistiche (6 syllabes) !
Le madrigal
Le madrigal est une forme ancienne de musique vocale italienne profane qui s’est développée au cours de la Renaissance et qui s’apparente aux lieder allemands.
Écoutons ensemble : https://www.youtube.com/watch?v=0HFkAUnCOco
Gabriel Fauré, le responsable des grands orgues de Rennes, (qui fut renvoyé car il troussait les jeunes filles dans l’église !), a écrit de nombreux madrigaux chantés. À écouter sur Youtube par exemple.
Le madrigal.
C’est un poème court et sans forme fixe, pratiqué chez les poètes mondains. Il consiste à exprimer une pensée avec finesse, en prenant la tournure d’un compliment galant.
« Petit poème lyrique en vers, de forme variable, exprimant un compliment galant et spirituel, et se terminant par une pointe ; il est toujours adressé à une dame. Il est proche de l’épigramme, par sa brièveté et son ingéniosité, mais sa visée est contraire: alors que l’épigramme cherche à piquer quelqu’un, le madrigal cherche à plaire à quelqu’un.
Le madrigal fait partie des genres mineurs de la poésie précieuse. Ce qui importe dans la composition de ce type de poème, c’est de dire le compliment amoureux de la manière la plus élégante, la plus aimable, la mieux tournée possibles. Le madrigal comporte un aspect descriptif, et parfois narratif, ce qui le rapproche du billet doux. Il s’inscrit dans un contexte de relations sociales aristocratiques ; c’est un amusement raffiné que tous ceux qui ont de l’esprit peuvent pratiquer, autant les gens du monde que les poètes.
On lisait les madrigaux dans les salons pour se divertir ; c’est donc un genre oral surtout, ce qui explique que peu de madrigaux aient été conservés. Comme le billet doux, il n’a de valeur que parce qu’il sert de support aux relations mondaines. » (Wikipédia)
Découvrons la lettre de Mme de Sévigné qui parle du madrigal :
A Paris, le lundi 1er décembre 1664
Au Marquis de Pomponne
Il faut que je vous conte une petite historiette, qui est très vraie et qui vous divertira. Le Roi se mêle depuis peu de faire des vers ; Messieurs de Saint-Aignan et Dangeau lui apprennent comme il faut s’y prendre. Il fit l’autre jour un petit madrigal, que lui-même ne trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal de Gramont : « Monsieur le maréchal, je vous prie, lisez ce petit madrigal, et voyez si vous en avez jamais vu un si impertinent. Parce qu’on sait que depuis peu j’aime les vers, on m’en apporte de toutes les façons. »
Le maréchal, après avoir lu, dit au roi : « Sire, Votre Majesté juge divinement bien de toutes choses ; il est vrai que voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j’aie jamais lu. » Le Roi se mit à rire, et lui dit: « N’est-il pas vrai que celui qui l’a fait est bien fat ?
–Sire, il n’y a pas moyen de lui donner un autre nom.
–Oh bien ! dit le Roi, je suis ravi que vous m’en ayez parlé si bonnement ; c’est moi qui l’ai fait.
–Ah ! Sire, quelle trahison ! Que Votre Majesté me le rende ; je l’ai lu brusquement.
– Non, monsieur le maréchal ; les premiers sentiments sont toujours les plus naturels.»
Le Roi a fort ri de cette folie, et tout le monde trouve que voilà la plus cruelle petite chose que l’on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi, qui aime toujours à faire des réflexions, je voudrais que le Roi en fît là-dessus, et qu’il jugeât par là combien il est loin de connaître jamais la vérité.
Voici quelques exemples de madrigaux.
Madrigal
Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578
Si c’est aimer, Madame, et de jour, et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :
Si c’est aimer que de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi-même et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre et me taire,
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit :
Si c’est aimer que de vivre en vous plus qu’en moi-même,
Cacher d’un front joyeux, une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :
Honteux, parlant à vous de confesser mon mal !
Si cela est aimer : furieux je vous aime :
Je vous aime et sait bien que mon mal est fatal :
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.
Madrigal d’Isaac de Bensérade
Pour une femme grosse
Vous verrez dans cinq mois finir votre langueur :
Mais Dieux! Quand finira celle que dans mon cœur
Ont causé vos beaux yeux et votre tyrannie?
Je serai dignement d’amour récompensé
Quand ma peine sera finie
Par où la vôtre a commencé.
Jean Bertaut (1552-1611), rimé AABCCB (la disposition des rimes en fin de vers !) en décasyllabes (le vers fait 10 syllabes que l’on compte sur ses doigts !)/
(A) Quand je revis ce que j’ai tant aimé,
(A) Peu s’en fallut que mon feu rallumé
(B) N’en fît l’amour en mon âme renaître
(C) Et que mon cœur, autrefois, son captif,
(C) Ne ressemblât l’esclave fugitif
(D) À qui le sort fait rencontrer son maître.
Jean de Granouilhet, sieur de Sablières (1627-1700), aussi rimé en AABCCB, mais en octosyllabes (huit syllabes par vers) avec un alexandrin (un vers de 12 syllabes) :
Églé tremble que dans ce jour
L’Hymen, plus puissant que l’Amour,
N’enlève ses trésors sans qu’elle ose s’en plaindre.
Elle a négligé mes avis;
Si la belle les eût suivis,
Elle n’aurait plus rien à craindre.
A vous de devenir madrigaliste !
1/Amusez-vous à écrire un petit compliment à une personne de sexe féminin/masculin, comme si vous écriviez une petite lettre gentille :
Chèr(e)…..
C’est vraiment un plaisir de passer du temps avec toi…
Une fois la lettre terminée, relisez-la.
2/Transformez-la maintenant en madrigal avec des rimes disposées en AABCCD. La longueur du vers est libre. Louchez sur le poème de Théophile Gautier si besoin !
Théophile GAUTIER « Poésies nouvelles et inédites » 1867
Je connais tous les tons de la gamme du rose,
Laque, pourpre, carmin, cinabre et vermillon.
Je sais ton incarnat, aile du papillon,
Et les teintes que prend la pudeur de la rose.
À Grenade, des bords que le Xénil arrose
J’ai, sur le Mulhacen lamé de blanc paillon,
Vu la neige rosir sous le dernier rayon
Que l’astre, en se couchant, comme un baiser y pose.
J’ai vu l’aurore mettre un doux reflet pourpré
Aux Vénus soulevant le voile qui leur pèse,
Et surpris dans les bois la rougeur de la fraise.
Mais le rose qui monte à votre front nacré
Au moindre madrigal qu’on vous force d’entendre,
De la fraîche palette est le ton le plus tendre.