Chaque livre est un poème.
Cet atelier d’écriture a une double fonction : d’abord, vous aider à manipuler des livres de poésie, vous donner envie de les lire et d’en acheter ! Tant de poètes contemporains qui attendent de vous plonger dans leurs univers poétiques ! Tant de poètes et poétesses mort.e.s dont les œuvres nous sont restées et sont accessibles, en librairie, en médiathèque… !
Ensuite vous amuser à créer, inventer des poèmes à partir de jeux amusants et créatifs. Le poème naîtra du hasard des chiffres et deviendra le vôtre avec peu d’effort. Vous serez poète sans en avoir l’air!
A chaque création, nous chercherons le son, le sensible, pas forcément le sens, le compréhensible. Laissez vos cinq sens prendre le crayon et vous guider vers la création poétique !
Je me suis inspirée des contraintes d’écriture proposées par les membres de l’OULIPO (Ouvroir de Littérature Potentielle), fondé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais. Georges Pérec, Italo Calvino et bien d’autres se sont amusés avec ces jeux.
A l’aide de contraintes d’écriture de sources mathématiques, ils créaient des formes littéraires, des poèmes. L’OULIPO existe toujours et ses contraintes d’écriture sont à piocher, gratuitement sur leur site : Contraintes | Oulipo
Chaque participant est invité à piocher un recueil de poèmes au hasard dans le choix posé sur la table, couverture face à la table, sans possibilité de voir le nom du poète avant son choix. Il l’utilisera toute la séance. Il le gardera pour lui à la fin de la séance. Tous les recueils de poèmes quittent la table à la fin de la séance et repartent avec chaque participant.
1/Le jeu des titres (15-25-35-45)
Allez à la table des matières du recueil de poésie que vous avez tiré au sort et qui vous accompagnera durant tout l’atelier. Choisissez les quinzième, vingt cinquième, trente cinquième et quarante-cinquième titres. Si votre poème correspondant à la page n’a pas de titre, recopiez le premier vers.
Assemblez-les pour former un quatrain. Incroyable ! Le hasard donne à lire un nouveau poème !
Soupirs à Trappes (page 15)
Quart d’heure de culture métaphysique (page 25)
Qui voyez-vous ? (page 35)
Crier taire sourire fou (page 45)
Ghérasim Luca, Héros-Limite, nrf Gallimard
2/Le hasard des nombres avec 5
Recopiez dans l’ordre, le cinquième vers des poèmes des pages 25, 35, 45, 55 et 65. Pas les titres.
Agencez légèrement (en ajoutant des mots de liaison par exemple)
Votre poème est prêt à être lu.
Exemple : Dans Anthologie de la poésie africaine, Points
Ce matin jusqu’aux cheminées d’usine qui chantent à l’unisson (page 15)
[Mais] voilà, la nuit ton regard me ronge, comme les punaises des bois (page 25)
L’odeur seule persiste (page 35)
Aux sanglots réduits au silence. (page 45)
Autre exemple (incomplet) :
Un nombre de chaises
Courent d’un beau manteau d’ours.
Elle m’aura bercé comme un frère distrait…
3/Le mystère poétique de la page 45, 55 ou 65
Relevez en les notant chaque premier mot du poème (8 maximum pour faire deux quatrains). Exception : [c’est] peut être considéré comme un mot.
Exemple tiré de l’anthologie de poésie africaine :
Oh
De
De
Madagascar
C’est
Au
Retenu
Jeté
La
Où
Ta
Madagascar
Puis complétez les phrases. Agencez et votre poème est prêt à être lu.
4/Les derniers mots du poème
Retournez à la même page que pour le poème précédent. Cette fois-ci, vous allez relever le dernier mot de chaque vers, un vers sur deux (vers 1 ; 3 ; 5 ; 7) pour faire un quatrain dont chaque vers inventés finiront par ces mots.
Votre poème est prêt à être lu.
5/Le poème par 5.
Ouvrez le livre de poésie au hasard, regardez la page impaire (celle de droite). Recopiez les 4 premiers vers de ce poème. Vous êtes prêt ?
Supprimez 5 mots, agencez
Recopiez le poème ainsi obtenu
Ajoutez 5 mots, agencez
Recopiez le poème ainsi obtenu
Déplacez 5 mots, agencez
Recopiez le poème final et lisez-le à haute voix. Incroyable, non ?
6/Le poème de la page 35
Lisez le poème de la page 35. Choisissez le vers le plus joli à vos yeux. Lisez-le à la suite des vers choisis par vos camarades d’écriture, un quatrain nait sous vos yeux et oreilles ébahis !
7/A quoi ça sert, un poème ?
Ça sert à jouer des mots
comme on joue de la guitare,
de la flûte ou du piano.
Ça sert à faire savoir
qu’on est gai ou qu’on est triste,
ou bien d’humeur fantaisiste.
Ça remplace quelques larmes,
ça fait rire ou ça désarme.
Ça sert à parler de soi,
ou bien de n’importe quoi.
C’est un voyage intérieur,
un moyen d’ouvrir son cœur.
À quoi ça sert, un poème?
Au fond, ça ne sert à rien,
mais ça rend la vie plus belle,
comme un tour de magicien,
un sourire, un arc-en-ciel.
À quoi ça sert, un poème?
Ça sert à dire « Je t’aime ».
Henriette Major (1933-2006) pionnière de la littérature jeunesse au Québec. A écrit plus de cent livres jeunesse. Elle est aussi poète.
A vous, à quoi ça sert un poème ? Répondez à la question en imitant le poème de Henriette Major. répétez régulièrement à quoi ça sert un poème.
8/Dans la peau du poète.
Le recueil de poésie qui vous a accompagné pendant toute la séance, vous vous y êtes attaché ? Rendez-vous à la page 45, lisez attentivement le poème.
Commencez votre texte par :
J’ai écrit ce poème… (parce que, quand, où pourquoi…)
Ne faites pas une étude de texte. Pensez que le lecteur de votre texte n’aura pas lu le poème en question.
Alors, ça fait quoi d’être poète ?
Petit bonus !
Pour un art poétique
Prenez un mot prenez en deux
faites les cuir’ comme des œufs
prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau d’innocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et mettez les voiles
Où voulez vous donc en venir ?
A écrire Vraiment ? A écrire ?
Raymond Queneau
Pour faire un poème dadaïste
« Prenez un journal. Prenez des ciseaux. Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème. Découpez l’article. Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac. Agitez doucement. Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre. Copiez-les consciencieusement dans l’ordre où elles ont quitté le sac. Le poème vous ressemblera. Et vous voilà un écrivain infiniment original et d’une sensibilité charmante, encore qu’incomprise du vulgaire. »
Tristan Tzara
« Pour faire un poème dadaïste », Sept manifestes dada, 1924. Dans cet extrait nous avons l’ancêtre du Cut up, utilisé par David Bowie par exemple pour créer les paroles de ses chansons.
Et vous, quelle est votre méthode, votre mode d’emploi pour écrire un poème ?
Bibliographie
Les poètes qui nous ont accompagnés pendant cet atelier d’écriture de deux heures et qui sont partis dans la poche des participants :
Christine Guenanten, L’univers des ailes, Des sources et des livres
Chrristine Guenanten, Féérique fougère, Des sources et des livres
Christine Guénanten, Une étoile entre les lignes, Des sources et des livres
Richard Rognet, Elégie pour le temps de vivre nrf Gallimard
Jacques Dupin, Rien encore, tout déjà, Seghers
Mohamed Dib, Feu beau feu, Editions de la Différence
Zéno Bianu, Satori express, Le castor Astral
Abbas Beydoun, Tombes de verre, Sindbad, Acte Sud
Sylvia Plath, Ariel, nrf Gallimard
Paul Eluard, Capitale de la douleur, nrf Gallimard
Paul Eluard, La vie immédiate, nrf Gallimard
Kiki Dimoula, Le peu du Monde, nrf Gallimard
Charles Cros, Le collier de griffes, nrf Gallimard
Philippe Jaccottet, Poésie, nrf Gallimard
Jules supervielle, Gravitations, nrf Gallimard
Emilie Dickinson, Car l’adieu, c’est la nuit, nrf Gallimard
Yves Bonnefoy, Les planches courbes, nrf Gallimard
Michel-Ange, Poèmes, nrf Gallimard
Omar Khayam, Rubayat, nrf Gallimard
Marina Tsvétaïéva, Insomnie, nrf Gallimard
Max Jacob, Le cornet à dés, nrf Gallimard
Ghérasim Luca, Héros-Limite, nrf Gallimard
Le titre de la séance Chaque livre est un poème m’a été inspiré par le livre :
Un poème dans chaque livre a été publié en hommage à Paul Eluard (décédé en 1952) en 1956 et illustré par ses amis peintres-graveurs (Picasso, Miro, Chagall…)
Un article en Une de Ouest France quelques jours après l’atelier d’écriture !